Vivre à Botmeur, entre réalisme et utopie.

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Le cadre de l’enquête : Debriefing avec Gérard Guen

            Tous les ans, notre département organise un stage de terrain  didactique  dans le Finistère. L’objectif est de préparer les futurs ethnologues à la recherche concrète mais aussi, plus largement, de contribuer à l’étude de cette région située à la « fin du monde » (comme le dit son étymologie),   où la mémoire du passé  et  l’ouverture aux grands paris de la postmodernité   se conjuguent de façon singulière.  Le choix de ces « terrains » dépend de plusieurs facteurs : 

1) la « représentativité du lieu » (tout lieu est « bon » pour l’enquête ethnologique,  mais il y en a qui présentent un intérêt tout particulier.

2) Le « taux de saturation » de la population résidente (certains endroits, et notamment certaines îles, font désormais l’objet d’un pèlerinage perpétuel et les habitants commencent à trouver la chose de moins en moins amusante).

3) L’existence d’une structure d’accueil  convenable.

Dans le passé, nous avons rencontré ces conditions favorables à Huelgoat,  à Plozévet, à Roscoff, dans l’île de Batz,  pour ne donner que quelques exemples.  Depuis quelques années, avec la collaboration bienveillante de ses habitants,  nous avons investi la commune de Botmeur, dans les Monts d’Arrée. Avec le temps  ce terrain éphémère est devenu une sorte de « chantier ».  Au début, nous avions choisi cet espace « montagnard » comme l’ont fait, probablement, les décideurs qui dans les années 1960 installèrent à quelques kilomètres de Botmeur une Centrale nucléaire (aujourd’hui désaffectée), en pensant à son éloignement des grands axes routiers (un éloignement qui pour les ethnologues est synonyme d’ « authenticité », de « mémoire longue », de conceptions du monde « alternatives » ). Nous y avons trouvé une réalité plus complexe. D’un côté nous avons pu constater  le fort enracinement dans l’histoire de  cette partie presque « mythique » de la Bretagne (c’est l’adjectif qui revient le plus dans les guides et les prospectus touristiques) qui garde une place fondamentale dans l’imaginaire régional et national. De l’autre – en raison justement de l’aura légendaire qui entoure ce territoire,  de ses  attraits paysagers et même  de son « isolement » qui entretemps est devenu un atout – nous avons découvert une communauté plus hétéroclite qu’on aurait pu l’attendre.  C’est une communauté  formée aussi bien d’autochtones que de nouveaux arrivés revendiquant tous, à titre divers,  leur choix d’être là :  dans le discours collectif,  que l’on soit  bretonnant de longue date, retraité Anglais passé du smog londonien aux brumes finistériennes,  exploitant néo-rural qui ne mange que « bio » …   habiter dans les Monts d’Arrée est la réponse à un « appel », à une sorte de vocation.

Les étudiants discutent avec Éric Prigent, maire de Botmeur

            L’intérêt des étudiants et de leurs enseignants s’est porté sur les grands thèmes de l’anthropologie : le rapport à l’espace et aux ressources locales, la vie sociale et politique, la culture matérielle, le rapport à l’histoire, à la tradition, au folklore et à la religion, le sentiment identitaire, la perception ambivalente de la présence touristique, la perception tout aussi ambivalente du rôle du Parc naturel régional d’Armorique…  Une place particulière est occupée par le thème de l’environnement, sorte de fil rouge qui réapparait comme un leitmotiv dans l’ensemble des témoignages.

Un mot pour terminer concernant les étudiants eux mêmes, sujets-chercheurs mais aussi en situation quasi initiatique lors de ce qui pour la plupart constitue leur premier stage de terrain. L’appréhension est souvent présente au départ car de multiples questions se posent : quant au choix d’un sujet parmi tant de possibles, l’accueil sera t-il cordial ? comment se dérouleront les entretiens ? le matériau recueillit sera-t-il exploitable ?… A cela se mêlent des craintes plus prosaïques : l’alchimie du travail en groupe se fera t-elle ? le dortoir est-il confortable ? L’expérience révèle que la semaine passée à Botmeur demeure dans les mémoires comme un souvenir particulier et précieux, comme une césure dans un continuum de cours et de lectures. Les moments y ont été intenses, les rencontres et les témoignages émouvants, la semaine a semblé courte comme les nuits généralement festives.

Les responsables du stage de terrain à Botmeur (S. Dalla Bernardina, Ph. Pesteil) (2018).
Terrain de recherche et didactique